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RACHEL FRUTIGER 75 1

se promener dans le centre de la ville, de peur d*être vues par quelque élève des cours. Un jour on essaya d'aller, par des rues détournées, jusqu'à la rue du Rhône, pour y contempler à loisir le Couteau-à- vingt-cinq-lames exposé à une devan- ture. Mais Pénélope demeurait justement tout près de la boutique du coutelier. Et après une longue marche dans les ruelles, le cœur manqua aux petites Françaises.

On ne pouvait pas non plus rester à Plain- palais : on risquait à tout instant de rencontrer papa ou maman. Alors on se rabattit sur les faubourgs, on suivit de longues rues tristes, le long de l'Arve, ou dans la direction de Carouge. On se tenait par la main. La fatigue venait vite. Et on sentait qu'on était entouré de dangers. On faisait des rencontres terrifiantes. Parfois un ouvrier plein de bière trouvait un équilibre momentané au milieu de la chaussée. Il se risquait à étendre les bras, et, voyant qu'il ne tombait pas, il se mettait à discourir, d'une voix grave, avec chaleur. Les femmes passaient en détournant les yeux. Mais les petites Françaises, pour qui c'était une nouveauté, s'arrêtaient et le regardaient. Alors il s'adressait à elles directement, menaçait de s'ap- procher ; et sa voix les suivait longtemps, les désignant à l'attention des passants. Plus loin des gamins leur faisaient peur en criant quand elles passaient près d'eux. D'autres venaient leur parler.

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