Page:NRF 11.djvu/720

Cette page n’a pas encore été corrigée

714 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

commerce " est typique. Ce mot : le domaine de Dieu, même pris au sens large, renanien et social, où l'entend M. Barrés, n'a aucun sens dans la France juridique. Et cela, pour bien des raisons dont la plus réelle et la plus profonde est que, dans un pays de petits propriétaires, c'est-à-dire de propriétaires âpres et stricts, la propriété individuelle gouverne tout, s'étend sur tout ; la propriété communale, la propriété de l'État, ont une tendance à se modeler sur elle, à en épouser les formes. Non seulement le domaine de Dieu, mais le domaine non individualisé d'une continuité historique, paraissent des non-sens. Le jour même où j'écris ces lignes, les journaux nous apprennent que la Chambre des députés a fait cadeau d'une pièce importante du musée national à un souverain étranger. Ainsi le Parlement, dont M. Barrés, député du premier arrondissement de Paris, est comme un chef de file, se reconnaît un droit de propriété sur les œuvres d'art qui constituent le domaine intellectuel de la France ; la Vénus de Milo n'est le bien de la commu- nauté française que précairement et tant qu'il n'a pas plu au Parlement de la vendre, de la mettre en gage, de la donner, ou d'en faire de la chaux : elle appartient comme le chanfrein de Philippe II à cette génération, que dis-je ? à cette législature. Notre propriété va de plus en plus à la forme individuelle et viagère, et les Eglises de France sont prises dans cette logique. Le "domaine spirituel", le "domaine de Dieu", ces termes sont, par la nécessité même qui les a dépouillés de leur sens ancien, pourchassés par nos légistes jusque dans les significations les plus souples et les régions les plus générales où M. Barrés les idéalise.

Des objets de consommation. Avec sa logique intérieure et vivante d'arbre, M. Barrés était conduit par tout son sujet à son dernier chapitre, qui s'appelle : Les églises de France ont besoin de saints. Ayant convoqué toutes les bonnes volontés, toutes les parcelles de divin qui pouvaient s'élancer à la rescousse pour défendre les pierres du passé, le passé de pierres et d'âmes.

�� �