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706 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

autres, n'est-ce pas ? " Ainsi, en 1802, des Voltairiens pensaient comprendre et daignaient approuver M. de Chateaubriand, en estimant que lui aussi, comme leur grand homme, et comme le Premier Consul, voulait une religion pour le peuple. Et la réponse de Chateaubriand ne devait pas différer de celle, très franche et très vraie, de M. Barrés : " Ah ! non, par exemple ! Non ! J'ai horreur de cette conception sèche d'une religion pour le peuple. Je ne suis pas de ceux qui aiment dans le catholi- cisme une gendarmerie spirituelle ! C^est pour moi-même que je me bats. " Nul n'en a jamais douté, et la Grande Pitié se relie au Culte du Moi par les mêmes fils que le Génie à René. Deux enfants d'une vieille terre et d'une longue culture, comme ce Breton et ce Lorrain, ne se conçoivent pas, ne se veulent pas, sans le capital le plus riche, sans la totalité de leur héritage moral. Dans cet héritage la sensibilité catholique figure l'inappré- ciable coffret des joyaux maternels. Et ce sont ces joyaux qui s'enroulent à leurs doigts et s'écoulent dans le chant des phrases. Les deux livres naissent, comme des mouvements nécessaires de réaction nationale, l'un, après la Révolution, l'autre après la séparation. Tous deux sont des actes politiques, émanés d'écri- vains qui se veulent politiques. Peut-être Chateaubriand en 1802 envisageait-il comme prochain et probable ce poste diplomatique romain, pour lequel son livre le désignait, et qui allait lui échoir quelques années plus tard. On imagine sans répugnance une République consulaire et athénienne, ou une monarchie française, mandant avec élégance Maurice Barrés i Rome pour négocier le prochain Concordat.

Mais si le nom de Chateaubriand est absent, si M. Barrés ne met pas visiblement ses pas dans ces pas, il n'est pas défendu, sinon d'en chercher les raisons (ce serait bien chimérique), du moins de rêver un peu là dessus. Le Génie du Christianisme est la grande ouverture musicale du romantisme et il convint à M. Maurras de montrer que le romantisme c'était ce " génie '* même du christianisme, se dépouillant une nouvelle fois de la

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