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LES CAVES DU VATICAN 677

vie tranquille, j'y exerce une profession considérée : pro- fesseur à la faculté de droit ; oui : criminologie comparée ; une chaire nouvelle... Vous comprenez que, là, je n'ai pas la permission, ce qui s'appelle : la permission de m'eni- vrer, fût-ce un jour par hasard. Ma vie doit être respec- table. Songez donc : un de mes élèves me rencontrerait soûl dans la rue !... Respectable ; et sans que ça ait l'air contraint ; c'est là le hic ; il ne faut pas donner à penser: Monsieur Defouqueblize (c'est mon nom) fait rudement bien de se retenir !... Il faut non seulement ne rien faire d'insolite, mais encore persuader autrui qu'on ne pourrait rien faire d'insolite, même avec toute licence ; qu'on n'a rien d'insolite en soi, qui demanderait à sortir. Reste- t-il encore un peu de vin ? Quelques gouttes seulement, mon cher complice, quelques gouttes... Une pareille occasion ne se retrouve pas deux fois dans la vie. Demain, à Rome, à ce congrès qui nous rassemble, je retrouverai quantité de collègues, graves, apprivoisés, retenus, aussi compassés que je le redeviendrai moi-même dès que j'aurai recouvré ma livrée. Des gens de la société, comme vous ou moi, se doivent de vivre contrefaits.

Le repas cependant s'achevait ; un garçon passait, récoltant, avec le dû, les pourboires.

A mesure que la salle se vidait, la voix de Defouque- blize devenait plus sonore ; par instants, ses éclats inquié- taient un peu Lafcadio. Il continuait :

— Et quand il n'y aurait pas la société pour nous contraindre, ce groupe y suffirait, de parents et d'amis auxquels nous ne savons pas consentir à déplaire. Ils oppo- sent à notre sincérité incivile une image de nous, de laquelle nous ne sommes qu'à demi-responsables, qui ne

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