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676 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Non ! non ! ne m'en versez pas trop ! disait Defou- queblize en levant son vacillant verre que Lafcadio achevait de remplir. C'est curieux que cela m'ait paru si mauvais d'abord. On se fait ainsi des monstres de bien des choses, tant qu'on ne les connaît pas. Simplement je croyais boire de l'eau de Saint-Galmier ; alors je trouvais que, pour de l'eau de Saint-Galmier, elle avait un drôle de goût, vous comprenez. C'est comme, si l'on vous versait de l'eau de Saint-Galmier quand vous croyez boire du Champagne, vous diriez, n'est-ce pas : pour du Champagne, je trouve qu'il a un drôle de goût !...

Il riait à ses propres paroles, puis se penchait par dessus la table vers Lafcadio qui riait aussi, et à demi-voix :

— Je ne sais pas ce que j'ai à rire comme ça ; c'est certainement la faute à votre vin. Je le soupçonne tout de même d'être un peu plus chaud que vous ne dites. Eh ! eh ! eh ! Mais vous me ramenez dans mon wagon, c'est convenu, n'est-ce pas. Nous y serons seuls, et si je suis indécent vous saurez pourquoi.

— En voyage, hasarda Lafcadio, cela ne tire pas à conséquence.

— Ah ! Monsieur, reprit l'autre aussitôt, tout ce qu'on ferait dans cette vie ! si seulement on pouvait être bien certain que cela ne tire pas à conséquence, comme vous dites si justement. Si seulement on était assuré que cela n'engage à rien... Tenez ; rien que ça, que je vous dis là, maintenant, et qui n'est pourtant qu'une pensée bien naturelle, croyez-vous que je l'oserais exprimer sans plus de détours, si seulement nous étions à Bordeaux ? Je dis Bordeaux, parce que c'est Bordeaux que j'habite. J'y suis connu, respecté; bien que pas marié, j'y mène une petite

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