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540 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de notre temps. Voilà quatre lustres, en effet, que sa poésie — et elle ne fut pas la seule — proclama un amour de la vie, une soif de l'action, une ardeur à poursuivre un idéal dans la réalité qui contre- balançait le dilettantisme de l'époque en exprimant déjà les senti- ments d'un grand nombre, — sentiments qui sont revendiqués aujourd'hui par certains groupes comme des gisements d'or jusqu'à eux inconnus.

Mais les œuvres restent ; on n'étouffe jamais, on ne travestit pas longtemps leur témoignage. Il suffit de quelque lecture périodique et publique, d'une lecture simple, sincère, comme je me suis efforcé de rendre celle-ci, pour que l'œuvre reprenne toute sa lumineuse évidence.

D'autre part M. Vielé-Griffin rend hommage à Emile Verhaeren dans une conférence prononcée au Vieux-Colombier et publiée dans le Mercure de France du l6 Février. Nous en extrayons cette page émouvante :

Le Norvégien Bjœrnstjerne-Bjœrnson a pu dire dans son éton- nement : les Français sont les Chinois de l'Europe... — Par delà nos modes et les ironies qu'elles excusent, derrière la muraille de Chine de Bjœrnson, il y avait, il y a, Messieurs, une réalité transcendante, dont les plus clairvoyants n'ont pas toujours estimé nécessaire de prendre la défense, la sachant de nécessité et à jamais victorieuse,

C'est elle que Verhaeren contempla, un jour de septembre, il y a des années, du haut de la terrasse du Château de Blois.

Ses regards suivaient les lignes harmonieuses de cette vallée dont l'ampleur associe le ciel à sa beauté : la Loire en mirait la splendeur aisée, à la mesure du vaste miroir qu'elle lui offrait. Des plans sans heurts, dorés ou sombres, mobiles selon la lente marche des nuages, animaient les perspectives vers un horizon de forêts et de coteaux. Le grand fleuve luxueux appariait son loisir au songe royal de terrasse...

Verhaeren confronta sa violence à cette douceur, et sa tendres rejoignit la fine émotion de tant de discrète majesté. Je vis — cl j'en garde encore l'émotion — je vis sur ses joues et vers sa rud«  moustache héroïque deux larmes poindre et couler...

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