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460 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Une claironnante joie envahit le cœur d'Amédée, mêlée d'une certaine gêne : Ce jeudi, jour de l'audience, c'était le jourd'hui-même. Il n'osait donner à blanchir et le linge allait lui manquer. Il le craignait du moins. Il avait remis ce matin son faux-col de la veille ; mais qui cessa tout aussitôt de lui paraître suffisamment propre quand il apprit qu'il pourrait rencontrer Julius. La joie qu'il eût eue de cette conjonction en fut contrariée. Repasser via dei Vecchierelli, il n'y fallait songer, s'il voulait surprendre son beau-frère à la sortie de l'audience ; et cela le troublait moins que de le relancer au Grand- Hôtel. Du moins prit-il soin de retourner ses manchettes ; quant au col, il le recouvrit de son foulard, ce qui présen- tait en outre cet avantage de cacher à peu prés son bouton.

Mais qu'importaient ces vétilles ? Le vrai c'est que Fleurissoire se sentait inefFablement tonifié par cette lettre, et que la perspective de reprendre contact avec un des siens, avec sa vie passée, brusquement remettait à leur place les monstres enfantés par son imagination de voya- geur. Carola, l'abbé Cave, le cardinal, tout cela flottait devant lui comme un rêve qu'interrompt tout à coup le chant du coq. Pourquoi donc avait-il quitté Pau ? Que signifiait cette fable absurde qui l'avait dérangé de son bonheur ? Parbleu ! il y avait un pape ; et dans quelques instants Julius allait pouvoir déclarer : je l'ai vu ! Un pape et cela suffisait. Dieu pouvait-il autoriser sa substitu- tion monstrueuse, à laquelle lui, Fleurissoire, n'aurait certes point cru, sans cet absurde orgueil d'avoir à jouer un rôle dans l'affaire.

Amédée marchait à petits pas pressés ; il avait peine

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