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d’hier m’a plongé dans de telles alarmes ! Je vois des espions partout.

— Il y paraît malheureusement beaucoup trop. Croyez- vous qu’il soit naturel de se retourner tous les vingt pas ?

— Quoi ! vraiment, j’avais l'air... ?

— Soupçonneux. Hélas ! disons le mot : soupçonneux. C’est l'air compromettant par excellence.

— Et avec cela je n’ai même pas pu découvrir que vous me suiviez !... Par contre, depuis notre conversation, tous les passants que je rencontre, je leur trouve je ne sais quoi de louche dans l’allure. Je m’inquiète s’ils me regardent ; et ceux qui ne me regardent pas, on dirait qu’ils font semblant de ne pas me voir. Je ne m’étais point rendu compte jusqu’aujourd’hui combien la pré- sence des gens dans la rue est rarement justifiable. Il n’en est pas quatre sur douze dont l’occupation saute aux yeux. Ah ! l’on peut dire que vous m’avez fait réfléchir ! Vous savez : pour une âme naturellement crédule comme était la mienne, la défiance n’est pas facile ; c’est un apprentissage...

— Bah ! vous vous y ferez ; et vite ; vous verrez ; au bout de quelque temps, cela devient une habitude. Hélas ! j’ai dû la prendre... l’important c’est de garder l’air gai. Ah ! pour votre gouverne : quand vous craignez d’être suivi, ne vous retournez pas ; simplement laissez tomber à terre votre canne, ou votre parapluie, suivant le temps qu’il fait, ou votre mouchoir, et, tout en ramassant l’objet, la tête en bas, regardez entre les jambes, derrière vous, par un mouvement naturel. Je vous conseille de vous exercer. Mais dites-moi comment vous me trouvez dans ce costume ? J’ai peur que le curé n’y reparaisse par endroits.