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I

��434 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAIS!

Quand on n'est plus tout jeune, mais point encore tout à fait vieux, en contact avec les générations mon- tantes, en sympathie avec elles, il vous est loisible de prendre une vue d'ensemble des esprits d'une époque. Comparant les uns avec les autres, les successifs dénis de justice, les procès à réviser, j'en arrive à cette conclusion, qu'aujourd'hui, il n'y a plus de positions nettes ; personne ne semble y voir clair, on se dispute sans savoir pourquoi ; nos admirations et nos dédains ne sont que des excuses que nous nous donnons à nous-mêmes. Les arguments des thuriféraires et des détracteurs sont si dénués de raison, qu'on devrait en rire, si, engagés dans la lutte, le senti- ment de notre conservation personnelle, ne nous forçait parfois à crier : Gare ! je suis là, très vivant ; vous me niez, mais j'existe, comme vous ; j'ai les mêmes droits que vous à la lumière du soleil.

Quels futiles prétextes pour se battre ! Moulins à vents, ô Don Quichottes ! portes ouvertes, entrée libre, vous criez très fort, pour faire peur à l'ennemi, sans réfléchir à ceci, que, demain, votre tâche du jour vous fera renier celle d'hier. La marche des opinions est aussi rapide que la formation et la désagrégation des écoles. Il n'y a, comme en politique, que questions de personnes, de circonstances ; alliances par intérêt et à base de haine ou de jalousie — et cette crainte qu'on tient cachée au fond du cœur : S'ils aiment cette musique, cette peinture, ils n'aimeront pas la mienne.

Et c'est ainsi que vous en arrivez à juger les œuvres, sans que ce soit en fonction de l'Art. Les œuvres vous, servent de rempart, derrière quoi vous cacher, au moment où l'obus éclatera ; mais, au fond, l'œuvre d'art nous est

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