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LETTRES 387

remarque-le, ce qui ajoute à mon embarras, c*est que j'aime cette hésitation même. "Tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais déjà trouvé. '* J'oscille comme l'élan vital qui, d'après Bergson, à chaque instant doit bifurquer : et de cette oscil- lation je tire un plaisir, une joie, — sans compter que cette méditation est après tout la seule attitude convenable à notre époque, étant donnés les boule- versements considérables qui peuvent être apportés dans l'économie de la société, le caractère provi- soire, précaire qu'ont de nos jours les aristocrates, l'instabilité politique, l'incertitude des destinées françaises.

Et je sais bien aussi que mon scrupule, mon hésitation, c'est ma vie, et c'est la vie, et que c'est à ces moments-là qu'on est le plus près du Divin !

Pourtant, non. Car, si Dieu est inquiet, il n'est pas incertain. Il faudrait en venir là : une inquié- tude sans incertitude. Mais c'est le cercle carré.

Note que je ne fais pas d'inutile pathétique. '" Quelle puissante chose c'est que de vivre ! " Mais je suis à la croix des chemins.

Tiens, suppose que j'aie à choisir entre l'Uni- ^versité et la Direction du Temps (c'est une hypo- thèse ; — pardonne-moi de ne pas te parler plus clairement) ou la Présidence du Conseil î L'Uni- ^versité ? Mais quels paradis perdus ! Le Journa- lisme ? Mais la vie morale ! J'ai les passions de David, mais la pureté d'Eliacin.

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