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I.

^■ettres 375

^Ken, ces mœurs, ces délicatesses, ce n'est pas quelque chose qu'on puisse préserver si on sup- prime les conditions qui les favorisent, les solidités qui les soutiennent. Et ce qui les soutient, ce n'est pas, comme l'a cru Barrés, la terre et les morts. (La terre et les morts ce n'est pas une réalité, ce n'est rien qu'une création lyrique.) C'est l'organisation nationale d'une part, et c'est d'autre part, la seule tradition qui ne puisse pas diviser les Français, la tradition révolutionnaire. Cela, je le sens, aurait besoin d'être précisé. Mais justement l'idée de patrie est quelque chose de mouvant, d'immatériel, quelque chose d'irréel et d'agissant pourtant, qu'on ne connaît que par ses manifes- tations : c'est-à-dire par l'art et par la politique ; — qu'on ne connaît aussi, et trop tard, qu'aux temps de crise. Il y a des expériences. Lis les correspon- dances des gens qui avaient vingt ans, au plus, en 1870. On voit qu'il y a là des douleurs réelles, un sentiment réel. Et relis Au service de V Allemagne^ qui tout de même est le plus beau livre de Barrés, je crois bien.

Tu vois, je suis d'une logique parfaite, je trouve (je me fais des compliments). Je n'ai rien renié ; mais il me semble que je vois plus clair en moi. Comme Jaurès qui, inlassablement, et malgré que chaque jour les événements lui donnent un dé- menti, répète qu'on a eu tort de tuer au Maroc, d'aller au Maroc, — inlassablement il faut que

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