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348 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISl

d*avoir été serpents. — On me dira qu*il s'agit d'une tragédie^ d'une résurrection de l'obscure AvayKr] antique pesant sur des âmes modernes ; que pareille transposition ne pouvait s'opérer que par des moyens poétiques. Mais ceux-ci, débordent le cadre et le dessein ; mais ils ne suffisent pas à renouveler une matière en quelque sorte traditionnelle et que la lecture des chefs- d'œuvre nous a rendue absolument familière. M. d'Annunzio, en écrivant, table sur notre culture et voudrait aussi que nous l'oublions. Il souhaite à la fois qu'on apprécie son effort dramatique, par rapport aux modèles qu'il s'est choisi, et indépendamment d'eux. Comment donc faire ? En présence du Chèvrefeuille nous nous disons aux moments les plus pathé- tiques : voilà Eschyle, voilà Ibsen, voilà Shakespeare. Et nous. ne nous disons : voilà d'Annunzio, qu'à propos d'une belle phrase ou d'une image fastueuse. Nous lui faisons tort malgré nous de toute l'émotion sincère qu'il a mis, nous n'en doutons pas à revivre Hamlet ou Electre, et quand il nous émeut, nous- en remercions ses modèles. En fait, nous ne savons plus ce que nous écoutons. — Que de talent, que de " nature " perdus dans cette pièce ! Jamais M. d'Annunzio, dans sa folie d'assi- milation n'atteindra-t-il à ce point suprême du goût, où la matière de l'œuvre d'art, d'où quelle vienne, fût-ce de l'œuvre d'art déjà la plus parfaite, se trouve si complètement épurée^ qu'elle appartient en propre au dernier artisan? Peut-on lui demander à lui de refaire ce qu'a fait Racine ?

H. G.

��L'INGÉNU, par Charles Méré et Régis Gignoux, d'après le conte de Voltaire (Théâtre Michel).

Les petits théâtres mondains ne nous ont pas accoutumés à cette sorte littéraire d'audace. Les audaces communes, ils les ont toutes, dans l'ordre du libertinage et de la gauloiserie. Pour moi.

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