Page:NRF 11.djvu/329

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 323

Inévitable ? peut-être. On ne croit jamais tout à fait à ce qu'on redoute. La faillite complète d'un tel effort, d'un tel idéal, serait pour l'âme française une telle perte sèche, que l'on cherche malgré soi des raisons pour qu'elle ne soit pas nécessaire, et que l'on se demande s'il n'existait pas, s'il n'existe pas encore, des chemins par où elle pouvait être évitée, ou retardée plus longtemps. La difficulté principale est évidemment celle-ci : les plus heureuses réussites ne sauraient maintenir le provençal que comme une demi-langue, chez un peuple bilingue. Je ne crois pas que le félibre le plus hardiment décentralisateur ait jamais rêvé pour le provençal une existence administrative, un droit à figurer sur le pied d'égalité avec le français dans les documents de la vie publique, à poser dans le Midi une question totale des langues, analogue à celle qui se pose en Belgique entre le français et le flamand. Ce ne serait pas seule- ment l'utopie politique la plus folle, ce serait l'illusion linguisti- que la plus naïve, puisque le provençal serait obligé d'emprunter au français tous les termes de cet ordre, et qu'un tel provençal ne ferait qu'un français grossièrement enluminé dans le genre du Sermon de Monsieur Sistre. Les mêmes impossibilités se retrouve- raient si l'on rêvait de faire du provençal une langue complète de prose, apte à l'histoire, à la philosophie, à la science : outre qu'il n'y aurait que des inconvénients à multiplier les langues scientifiques, déjà trop nombreuses, et qu'une langue à public restreint comme le hollandais, le danois ou le hongrois est, ici, condamnée à peu près à la stérilité. Un efibrt raisonnable et peut-être fructueux ne pouvait donc porter, je crois, que sur les trois points suivants : encourager les Méridionaux de toute classe à parler volontiers et fièrement leur langue ; — faire fleurir dans la poésie, le théâtre, la nouvelle et le roman, le provençal écrit, c'est-à-dire le dialecte de Saint-Remy, souple- ment enrichi des termes locaux, tel que l'ont fixé le mouvement de Fontségugne et les chefs-d'œuvre de Mistral ; — amener les dialectes, la langue d'oc parlée par la bonne compagnie,

�� �