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LES CAVES DU VATICAN 257

repas, se fourrait au lit sans faire à sa fille Taumône d'un sourire ou d'un mot. Il jouait de la flûte à ses heures de poésie, rabâchant insatiablement les mêmes airs. Le reste du temps il dessinait de minutieux portraits de fleurs.

Une vieille bonne, surnommée Réséda, qui s'occupait de la cuisine et du ménage, avait la garde de l'enfant ; elle lui enseigna le peu qu'elle connaissait elle-même. A ce régime. Arnica savait à peine lire à dix ans. Le respect humain avertit enfin Philibert : Arnica entra en pension chez Madame Veuve Semène qui inculquait des rudi- ments à une douzaine de fillettes et à quelques très jeunes garçons.

Arnica Péterat, sans défiance et sans défense, n'avait jamais imaginé jusqu'à ce jour que son nom pût porter à rire. Elle eut, le jour de son entrée dans la pension, la brusque révélation de son ridicule ; le flot des moqueries la courba comme une algue lente ; elle rougit, pâlit, pleura ; et Madame Semène, en punissant d'un coup toute la classe pour tenue indécente, eut l'art maladroit de charger aussitôt d'animosité un esclafFement d'abord sans malveillance.

Longue, flasque, anémique, hébétée. Arnica restait les bras ballants au milieu de la petite classe, et quand Ma- dame Semène indiqua :

— Sur le troisième banc de gauche. Mademoiselle Péterat, — la classe repartit de plus belle en dépit des admonitions.

Pauvre Arnica ! la vie n'apparaissait déjà plus devant elle que comme une morne avenue bordée de quolibets et d'avanies. Madame Semène, heureusement, ne resta pas

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