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l8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le troisième enfant de Juste-Agénor de Baraglioul, Julius, qui depuis son mariage vivait complètement rangé, avait eu quelques passions dans sa jeunesse. Mais du moins pouvait-il se rendre cette justice que son cœur n’avait jamais dérogé. La distinction foncière de sa nature et cette sorte d’élégance morale qui respirait dans ses moindres écrits avaient toujours empêché ses désirs sur la pente où sa curiosité de romancier leur eût sans doute lâché bride. Son sang coulait sans turbulence, mais non pas sans chaleur, ainsi qu’en eussent pu témoigner plusieurs aristocratiques beautés... Et je n’en parlerais pas ici, si ses premiers romans ne l’avaient clairement laissé entendre ; à quoi ils durent en partie le grand succès mondain qu’ils remportèrent. La haute qualité du public susceptible de les admirer leur permit de paraître l’un dans le Correspondant, deux autres dans la Revue des Deux-Mondes, C’est ainsi que, comme malgré lui, encore jeune, il se trouva tout porté vers l’Académie : déjà semblaient l’y destiner sa belle allure, la grave onction de son regard, et la pâleur pensive de son front.

Anthime professait grand mépris pour les avantages du rang, de la fortune et de l’aspect, ce qui ne laissait pas de mortifier Julius ; mais il appréciait chez Julius certain bon naturel, et une grande maladresse dans la discussion, qui souvent laissait à la libre pensée l’avantage.

A six heures Anthime entend stopper devant la porte la voiture de ses hôtes. Il sort à leur rencontre sur le palier. Julius monte le premier. Avec son chapeau cronstadt, son pardessus droit à revers de soie, on le dirait en