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I

��NOTES 163,

pour vivre. Comment a-t-il noyé et dispersé tant d'observations justes et subtiles à travers les péripéties d'une interminable aventure ? Comment y voyons-nous des financiers, des journa- listes et tout un bataillon de gens du monde ? Comment la peinture d'une âme a-t-elle cédé le pas à la peinture d'une société ? Comment la tragi-comédie de caractère s'est-elle tout d'un coup muée en une grande pièce de mœurs? Voilà ce que je m'explique mal de la part d'un écrivain aussi conscient que M. Sée. Vlrrégulière est une grande pièce qui a toutes les qualités des " petites ", mais qui, pour cette raison qu'elle est grande, ne parvient pas à les valoir. — On sait que l'ambition principale et justifiée de l'auteur des Miettes est de réaliser le miracle du " naturel ". Il chasse de la scène la littérature de " phrases ". Sachant ce que c'est que d'écrire, il rejette le dogme du " théâtre écrit ". Il veut que tous ses personnages, les plus raffinés et les plus complexes, n'empruntent à la langue française que les mots, que les tours de la conversation de chaque jour. Il n'admet pas qu'il y ait de grands mots pour les grandes choses, des mots subtils pour les choses subtiles, ni des mots cadencés pour les effusions musicales. Toute vérité dans le langage est, selon lui, une question de ton, de spontanéité d'accent et de justesse dans le choix des temps de repos néces- saires. A aucun prix de transposition extérieure ! il n'en veut point : son art est en dessous, qui combine les sentiments, pour leur permettre irrésistiblement de vivre, comme ils feraient chez des hommes réels. Une paroi de la chambre " où se passe la chose " est enlevée soudain — et la chose a lieu " comme dans la vie ", comme si nous n'étions pas là. Mais cette convention pri- mordiale du drame : qu'il se joue dans un lieu ouvert sur un côté, entraîne réciproquement une convention non moins essentielle : qu'il se jouera pour un public, en fonction du public, pour qui la paroi est tombée. C'est à cette convention seconde, et pourtant nécessaire, que M. Sée ne consent point. Le mot " passer la rampe " n'est pas, quoiqu'il pense, un mot qui

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