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l’enfant de monter au laboratoire. On y accédait directement par la terrasse, qu’un escalier dérobé reliait à la cour. Dans sa revêche solitude le cœur d’Anthime battait un peu lorsqu’approchait le faible claquement des petits pieds nus sur les dalles. Il n’en laissait rien voir ; rien ne le dérangeait de son travail.

L’enfant ne frappait pas à la porte vitrée : il grattait ; et comme Anthime restait courbé devant sa table sans répondre, il avançait de quatre pas et jetait de sa voix fraîche un " permesso ? " qui remplissait d’azur la pièce. A la voix on eût dit un ange ; c’était un aide-bourreau. Dans ce sac qu’il posait sur la table à supplice, quelle nouvelle victime apportait-il ? Souvent, trop absorbé, Anthime n’ouvrait pas le sac aussitôt ; il y jetait un rapide coup-d’œil ; du moment que la toile tremblait, c’était bien ; rat, souris, passereau, grenouille, tout était bon pour ce Moloch. Parfois Beppo n’apportait rien ; il entrait tout de même : il savait qu’Armand-Dubois l’attendait, fût-ce les mains vides ; et, tandis que l’enfant silencieux aux côtés du savant se penchait vers quelque abominable expérience, je voudrais pouvoir assurer que le savant ne goûtait pas un vaniteux plaisir de faux dieu à sentir le regard étonné du petit se poser tour à tour, plein d’épouvante sur l’animal, plein d’admiration sur lui-même.

En attendant de s’attaquer à l’homme, Anthime Armand-Dubois prétendait simplement réduire en « tropismes » toute l’activité des animaux qu’il observait. Tropismes ! Le mot n’était pas plus tôt inventé que déjà l'on ne comprenait plus rien d’autre ; toute une catégorie de psychologues ne consentit plus qu’aux tropismes. Tro-