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134 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qui rinsulte de toutes les manières et qui lève la main, il oppose une douceur qui étonne. " Pour quelle raison en usez-vous ainsi avec moi, Mon- sieur ? Je vous ai toujours aimé. '* Et il va jusqu'à lui demander pardon. 11 est brave pourtant, comme Têtre sans reproche. Son dégoût de la mort ne fait pas qu'il tienne à la vie. " Je m'en soucie autant que d'une épingle ."

Le commun peuple l'aime ; et il est chéri de ses amis. Ce n'est pas sa faute, s'il ne lui en reste qu'un. Horatio est seul digne d'une telle amitié. Il n'est pas moins raffiné que son prince, et ses sentiments sont exquis. Certes, il règne entre ces deux amis la ravissante courtoisie qui est la pudeur du don le plus vrai et le plus tendre. Ce ton, d'une admirable élégance, est la musique de l'amitié. Une confiance fraternelle sans ombre de familiarité. Dans l'amitié véritable, il n'y a que des chevaliers : la moindre trahison est mortelle aux amis : elle commence pour eux à la première fourbe, et dès que l'un des deux n'a pas horreur de faire sa dupe de l'autre. Quand Hamlet ne sera plus, Horatio se rappellera son prince comme le plus beau luxe de sa vie.

{à suivre) André Suarês.

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