Page:NRF 11.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée

126 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

donnent à un fils du dégoût pour le visage de sa mère. Et ce nouveau roi, l'amant du déclin, le vendangeur de la vigne qui coule, est bien le traître, le meurtrier, le boucher charnel qu'il faut à cette malheureuse : il est hypocrite et grossier, mielleux et résolu, prudent et sans scrupules ; il doit être bouffon au lit, habile au jeu du chien à ^eux dos, bon pour le frisson et bon pour le rire, consolation des avilis ; plein de santé, le sang rafraîchi par Fastuce, il enterrera la vieille, qui sent déjà le musc et la fourmi.

Et, d'abord, Hamlet ne dit pas un mot. Sa première parole est secrète : il se parle à lui-même entre les dents, avec une amère raillerie. On lui reproche son air lugubre. Ce fils ne jouit pas assez de son père mort et de sa mère rajeunie par le plaisir des nuits adultères. Pourquoi n'accepte-t-il pas la loi commune ? Or, Hamlet est là tout entier : la loi commune lui fait horreur ; et tout €n lui repousse cette loi commune, qui est le niveau des lieux bas.

La mort le désarçonne à jamais. Il pense que la mort de ce qu'on aime est un meurtre. Ainsi, l'as- sassinat de son père est le symbole redoutable du crime que toute mort implique et du tort qu'elle nous fait.

Hamlet s'avance entre les deux nuits de l'espla- nade, où le fantôme sans repos va et vient dans la

�� �