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dans les occupations du ménage et dans les dévotions, Anthime dans ses recherches scientifiques. Ils vivaient ainsi l'un prés de l’autre, l'un contre l'autre, se supportant en se tournant le dos. Grâce à quoi régnait entre eux une manière de concorde, planait sur eux une sorte de demi-félicité, chacun d’eux trouvant dans le support de l’autre l’emploi discret de sa vertu.

L’appartement qu’ils avaient loué par l’entremise d’une agence présentait, comme la plupart des logements italiens, joints à d’imprévus avantages, de remarquables inconvénients. Occupant tout le premier étage du palais Forgetti, via in Lucina, il jouissait d’une assez belle terrasse où tout aussitôt Véronique s’était mis en tête de cultiver des aspidistras, qui réussissent si mal dans les appartements de Paris ; mais, pour se rendre sur la terrasse, force était de traverser l’orangerie dont Anthime avait fait aussitôt son laboratoire, et dont il avait été convenu qu’il livrerait passage de telle heure à telle heure du jour.

Sans bruit Véronique poussait la porte, puis glissait furtivement, les yeux au sol, comme passe un convers devant des graffiti obscènes ; car elle dédaignait de voir, tout au fond de la pièce, débordant du fauteuil où s’accotait une béquille, l’énorme dos d’Anthime se voûter au dessus d’en ne sait quelle maligne opération. Anthime de son côté affectait de ne la point entendre. Mais, sitôt qu’elle avait repassé, il se soulevait lourdement de son siège, se traînait vers la porte et, plein de hargne, les lèvres serrées, d’un coup d’index autoritaire, vlan ! poussait le loquet.