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LE CINQUANTENAIRE D ALFRED DE VIGNY II3

épisodes de Servitude et grandeur militaires sont à peu près aux grandes nouvelles de Mérimée ce que sont les Pommes philosophiques aux morceaux de la Légende des Siècles ; ils ont plus de sens, de poids et de feu intérieur, moins de maîtrise et de liberté dans l'exécution. Ce qui manque toujours, c'est le net du style, ou la résignation aisée, légère, stendhalienne, à n'en avoir pas. Vigny a reçu tous les dons d'un écrivain complet, sauf la langue pour les accou- cher, le repos et le loisir pour les mettre en œuvre : il lui a manqué ce qui communique, se répand et circule. Mais la part qui lui demeure reste belle, unique, perle sans prix.

Poésie^ ô trésor ., perle de la pensée. . .

Des vers, des strophes, faits de substance immatérielle, qui gardent, dans la mémoire, une hauteur et une disper- sion d'étoiles, à la qualité suave desquelles les plus puissantes nappes de lyrisme romantique n'atteignent pas. Il semble qu'ils soient plus beaux de leur faiblesse, de leur isolement, et que sous une plus riche matière verbale ils ploieraient et se briseraient.

L'enthousiasme pur dans une voix suave,

le timbre pur de la poésie dans une voix dénuée de matière : le début et la fin de la Maison du Berger y la Colère de Samson, une partie de la Bouteille à la Mer, maintiennent dans les mémoires françaises deux à trois cents vers qui furent pour Vigny une raison suffisante de vivre.

Ta pensée a des bonds comme ceux des gazelles, uVIais ne saurait marcher sans guide et sans appui,.. Ton œil se ferme au jour des que le jour à lui...

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