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NOTES 1065

plupart des romans analogues, juxtapose deux éléments qui ne se mélangent jamais et entre lesquels on suit facilement, sur la même page, la ligne qui les sépare. D'abord tout ce qui est observation précise et vivante, et ensuite tout ce qui est théorie, vie intellectuelle de Didier, vie politique où il est mêlé : il était bien difficile de faire vivre cette seconde partie, et M. Bonneff n'y a guère réussi. Voici des exemples. Le petit Didier a perdu son père, et il devenu lui-même un enfant perdu, un vagabond. Pour un moment il a trouvé du travail dans une briqueterie, et un jour viennent se promener de ce côté quelques camarades de classe, du temps où Didier avait un père et allait à l'école. " Le briquetier demande des nouvelles de l'école : C'est Clépin qui est le pre ? — Où c'est qu' vous en êtes en histoire ? — Didier prend la gibecière du camarade, il feuillette les cahiers, parcourt les livres. Car il a quitté au moment que l'histoire était émouvante : les Anglais étaient maîtres du pays. " Ces traits fins abondent dans la première partie. La seconde partie, celle qui nous montre Didier grandi, militant ouvrier et secrétaire du syndicat des terrassiers, s'étend presque entière en espaces morts. Ce que désigne ce mot : le Parti, ne vibre à aucun moment comme une corde d'art. Cela devient de la berquinade socialiste. Pourquoi M. BonnefF, ici, ne s'est-il pas mis en pleine réalité humaine ? On trouve là un certain Dranis, type très conventionnel et vide de militant socialiste arrivé, qui devient ministre, président du conseil. L'auteur s'est contenté d'un mannequin. A sa place, j'aurais animé bravement mon roman, en laissant de côté cette image de carton, en introduisant dans mon histoire Aristide Briand lui-même, dont la psychologie, assez savoureuse, n'est pas com- pliquée à l'excès, et qui eût fort bien été en place, à côté du militant Didier. M. Barrés, dans le Roman de l^ Energie Nationaky s'est essayé avec un succès suffisant à ce mélange de personnages réels et de types imaginaires. Excellente ressource pour ceux-là qui, ainsi que lui et M. Bonneff, ne sont pas des romanciers-nés,

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