Page:NRF 11.djvu/1038

Cette page n’a pas encore été corrigée

1032 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

est plus libre, moins docteur, moins timoré, plus homme enfin. Il ose à tout coup, et jamais il ne s'émerveille de son audace, comme font les Bar- bares. Les peuples moraux n'atteignent pas à la virilité. Ils passent de l'enfance niaise à la violence.

Stendhal est bien l'homme de la Révolution et l'artiste de la Grande Armée. Son œuvre est la chronique de l'intelligence française en Europe. Comme la Grande Armée elle même, il promène sa pensée de Cadix à Moscou, et de l'Ecosse en Sicile. On la trouve en Italie plus souvent qu'ail- leurs, parce que Stendhal y a ses quartiers d'amour. Ce grand capitaine a conquis l'Italie passionnée, la musique, l'art et les mœurs étrangères ; et il a offert ces conquêtes à la prose française.

Comme il a voyagé dans toute l'Europe en voluptueux, il a goûté, sous tous les climats, à tous les fruits de la nature et de l'histoire. Il n'ajamais été plus lui même, qu'en faisant cet immense butin. Le don de voir et de sentir était égal en lui au don de comprendre. Toutes ses erreurs sont passionnées : il y a de la vie dans toutes. Ses sens l'ont enrichi de mille sentiments divers. Il n'a jamais repoussé un plaisir du cœur ni de l'intelli- gence. Il a pris sa volupté et sa peine partout. Et ce grand amoureux de la vie s'est saisi des âmes étrangères, sans rien ôter à la force et à l'ingénuité de la sienne.

Plus il semblait sacrifier la France et le caractère

�� �