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CHRONIQUE DE CAERDAL ICOI

Chateaubriand lui même a de Tesprit, au moins dans la cruelle invective. Tant il est impos- sible à un Français de la grande espèce, même quand il n'est pas naturellement spirituel, d'être toujours sans esprit.

��Entre tous les grands écrivains, avec le cardinal de Retz et Montaigne, Stendhal a eu le plus d'esprit.

Montaigne est plus latin d'Espagne, à la Sénèque ; et Stendhal, plus attique. La conversa- tion de Montaigne avec les hommes est un mira- cle d'humanité. A travers les âges, ce sourire nous console : Montaigne nous sourit entre les bûchers de Philippe II et les massacres d'Allemagne. Quand toute l'antiquité serait abîmée dans l'éter- nel oubli, les bons esprits en jouiraient toujours dans l'entretien de Montaigne. Le goût de Mon- taigne est l'épreuve des intelligences et des carac- tères. Les fanatiques ne l'aimeront jamais ; et jamais les cervelles étroites ne le goûtent tout à fait. Pour Montaigne, il ne faut pas être de parti ; mais au contraire, il faut pouvoir penser contre soi même, et prendre au besoin parti contre tout ce qu'on est. Cet homme est si humain, qu'il y a chez lui pour tous les hommes ; et comme il invente perpétuellement son expression, presque

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