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— Ainsi lui répondaient des hommes graves et méditatifs, vêtus pauvrement, qui venaient de lire à haute voix « les hymnes, les prières qui conduisent à l’autre rive, » ou des marchands qui récitaient des stances et des préceptes relatifs aux intérêts temporels. À ce nom de Bouddha, plusieurs demandaient aussitôt quel était ce personnage, et le plus souvent ils se rendaient auprès de lui dans les lieux déjà célèbres où il enseignait.

Tels étaient les symptômes pacifiques qui annonçaient alors la plus grande révolution religieuse dont l’Inde ait été le théâtre. À peine la parole d’un ascète de sang royal venait-elle de se faire entendre, la foi aux divinités de la nature personnifiées dans le Véda semblait déjà ébranlée : l’organisation de la société des Aryas devait recevoir de profondes atteintes, du moment où le sacerdoce brâhmanique allait décheoir de sa suprématie habilement fondée. Une littérature nouvelle surgissait bientôt après pour servir de code à cette masse de nations appelées sans distinction d’origine à la vie religieuse. Tout cela était l’œuvre d’un seul homme : ainsi nous l’apprend la tradition des Hindous dans des sources nombreuses et d’une autorité considérable. De la spéculation de l’ascète Gautama, dit Çâkyamouni ou le solitaire de la race des Çâkyas, est sorti un système de morale et de métaphysique qui prétendait se substituer aux croyances les plus anciennes ; de la prédication qu’il a faite pendant une carrière publique de quarante-cinq ans, a dérivé un ordre tout nouveau de conduite, de devoirs et de pratiques parmi les populations d’une grande partie de l’Inde. Cette doctrine, qui s’imposait comme constitution sociale partout où on l’accueillait, n’était pas donnée comme une révélation de la divinité : elle était le fruit des méditations d’un sage, parvenu dans une dernière existence à la qualité de Bouddha, c’est-à-dire d’un être « éclairé, illuminé » par la plus haute sagesse qui soit possible. Sa philosophie, annoncée ’a tous et développée dans de volumineux écrits, a gardé son nom, glorifié tous les jours par des millions d’hommes.

Le Bouddhisme a franchi de bonne heure les frontières de l’Inde ; mais partout il a conservé des caractères ineffaçables auxquels on peut reconnaître son origine indienne : religion de peuples de toute race, il a survécu depuis deux mille ans aux bouleversements politiques de l’Asie Orientale, et, s’il offre à l’historien un des phénomènes les plus remarquables que présentent les annales du monde, il possède aujourd’hui encore la puissance actuelle d’un grand fait digne de préoccuper dans le présent les hommes d’État aussi bien que les apôtres de la religion et les représentants de la science.