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de la Tradition ; que J. Ch. Windischmann a interrogé sur les problèmes des sciences spéculatives la sagesse de l’Inde et de la Chine, et enfin que Hégel lui-même n’a pas dédaigné de mêler à sa nébuleuse métaphysique les abstractions dérobées aux enseignemens philosophiques des écoles Orientales. Goethe et Byron ont emprunté aux poèmes de l’Orient des conceptions et des images qu’ils ont fait servir à l’expression de la pensée plus sérieuse et aussi plus inquiète de l’Occident. Fr. Rückert a tenté avec un merveilleux succès d’assouplir la langue des Germains à toutes les formes, à tous les rhythmes de la poésie Orientale : la réaction romantique y a cherché les motifs d’une libre inspiration et en même temps l’exemple de ses propres hardiesses ; un poète Français a fait succéder un recueil d’Orientales à ses Odes et Ballades ; un autre poète a demandé à la nature de l’Orient des pensées et des impressions, des images pour ses tableaux, des tons pour de nouvelles harmonies.

Telle est l’influence en quelque sorte naturelle et directe de la littérature Orientale sur la pensée de l’époque et en particulier sur celle des poètes ; mais revenons à cette littérature prise dans son ensemble comme objet de recherches scientifiques ; voyons comment son étude promet d’être féconde en résultats et combien de labeurs et d’efforts elle exige pour répondre à sa destination. Nous ne serons point étonnés du concours des travailleurs en présence d’une mine dont les richesses sont dispersées en un si grand nombre de régions : le développement des lettres Orientales a constitué en effet des branches d’étude aussi distinctes qu’il y a eu de grands peuples sur la surface du continent Asiatique. Il importait à la science Européenne de créer des moyens d’investigations sans cesse plus nombreux et plus efficaces : les collections de manuscrits, les imprimeries, les académies et les universités, les associations, les recueils périodiques ont été les instrumens extérieurs de la propagation rapide des études Orientales depuis cinquante années.