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populations Chrétiennes de l’Occident entrer par la lutte en communication directe avec les peuples belliqueux de l’Asie qui étaient souvent leurs agresseurs et qui restaient toujours leurs ennemis. Quand ces hostilités héroïques cessèrent avec la dernière des Croisades, il y avait trêve, et non pas réconciliation : l’opposition des croyances devait contribuer à rendre longtemps encore étrangères l’une à l’autre, les deux fractions du monde civilisé, l’Europe catholique, l’Asie et l’Afrique musulmanes. À certaines époques de la lutte, les lettres et les arts de l’Asie ont pu exercer quelque empire sur la vie des nations Occidentales ; ils ont obtenu un facile ascendant à la faveur de la paix sur les mœurs chevaleresques des populations Espagnoles demeurées en contact avec les Maures ; ils ont pu même une fois, à la cour d’un empereur Romain, Frédéric II, mettre en péril la conscience Chrétienne : on ne peut révoquer en doute les dangers de l’apostasie en suivant dans ses dernières et malheureuses destinées l’ordre jadis si redoutable des Templiers. Mais, à part ces exemples de l’influence momentanée d’une civilisation brillante et matérielle, en dehors de l’activité de quelques hommes qui se sont initiés à la langue et aux sciences des Arabes par la fréquentation de leurs écoles, les langues et les lettres de l’Orient ne sont point connues ou cultivées parmi les Chrétiens dans les siècles du moyen âge : c’est d’abord l’effet des circonstances extérieures, la conséquence de la séparation géographique des peuples, ainsi que de la distinction sociale et politique des races ; c’est aussi, et dans une mesure bien plus grande, le résultat de l’aversion naturelle des Chrétiens pour les nations ennemies de l’Évangile, pour leurs langues et leurs écrits, comme pour leurs mœurs et leurs usages ; au milieu d’eux sont les Juifs qui nient et provoquent, et autour d’eux, les Musulmans qui attaquent et détruisent. Ainsi placé sous l’empire d’un sentiment légitime de défiance et de crainte, le plus grand