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multiples ; on découvrira dans des idiomes isolés et encore peu connus des termes intermédiaires qui lieront l’un à l’autre les groupes de langues, déclarés sans affinité réciproque. La tradition rapportée par Moïse sur l’unité du langage des hommes après le déluge sera justifiée par les résultats successifs d’une étude comparative, mais systématique des langues, puis de leurs groupes ou règnes principaux. Sans doute, la multiplication en quelque sorte infinie des idiomes humains s’est opérée sous des influences différentes dans le cours de l’histoire ; cependant il semble inadmissible que la diversité essentielle et la séparation profonde des grandes familles de langues proviennent uniquement d’une altération naturelle qui aurait été produite par l’action du climat, par l’éloignement des races, par la différence des usages, ou bien encore par la volonté même de l’homme : on est porté à soutenir avec les Rémusat et les G. de Humboldt, qu’elles sont dues à une scission subite et violente, ce qui revient à dire, à un événement anté-historique, comme cette confusion de Babel décrite par Moïse. Ainsi nous voyons des vérités historiques, qui étaient naguère traitées avec dédain, justifiées l’une après l’autre par les découvertes tentées en linguistique fort souvent même dans un but tout à fait opposé[1]. Déjà, à la vue des travaux entrepris jusqu’ici, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître qu’une puissance providentielle a dirigé les esprits dans d’aussi pénibles labeurs, afin de mettre dans un plus grand jour des faits qu’une science encore confuse avait déclarés insoutenables.

Si j’ai insisté autant sur l’application et les résultats de

  1. Balbi a déjà pu dire, il y a quinze ans, dans la Dédicace de son grand ouvrage d’ethnographie : « L’étonnante diversité et à la fois les traits de ressemblance des langues humaines, appartenant aux contrées les plus éloignées, obligent aujourd’hui à vénérer dans cette étude, comme dans les autres, les traces de ces antiques révolutions dont la sainte Écriture nous a transmis l’important souvenir. »