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texte original de la Bible n’en reste pas moins grande, et la voix des prophètes moins solennelle. La prétention de faire de l’Hébreu la langue primitive n’est pas entrée dans l’esprit des écrivains sacrés ; on peut donc sans crainte lui refuser un titre que l’Écriture elle-même n’a point revendiqué pour lui.

Un sort analogue était réservé aux systèmes également faux qui faisaient dériver toutes les langues, soit du Grec, soit du Latin ; et que méritaient, sinon une vogue éphémère, les hypothèses plus extraordinaires encore, qui ont salué tour à tour la langue primitive dans le Celtique, dans le Basque, dans le Flamand et même dans le Chinois[1] ? C’en est assez, pour établir que la méthode généalogique n’a pu saisir que des analogies partielles, et qu’elle n’a produit en réalité que des résultats exclusifs et souvent opposés ; si elle est restée dominante jusqu’aux dernières années du XVIIIe siècle, on peut dire qu’elle n’a plus de valeur aujourd’hui et qu’elle est rejetée par la majorité des linguistes contemporains.

La méthode physiologique dont je ferai mention en second lieu n’a pas produit de meilleurs fruits, faute d’une marche uniforme et systématique ; elle a consisté à établir l’affinité des langues d’après des traits extérieurs de ressemblance, à supposer des rapports de parenté entre certaines langues ou certains groupes de langues en raison de l’identité de quelques mots ou de l’analogie de quelques constructions. Sans être aussi exclusive que la précédente, cette méthode a manqué de principes fixes et sûrs pour parvenir à une classification historique des langues en groupes et en familles.

  1. On n’est pas peu surpris de voir que ce dernier genre d’illusion n’a pas manqué à la jeunesse querelleuse d’un des grands Orientalistes de notre temps : le paradoxe a d’abord été soutenu sérieusement en faveur du Chinois par J. Klaproth dans une brochure intitulée : Hic et ubique ou vestiges de la langue primitive recueillis dans le Chinois (in-4o sans date).