tère aussi pénétrant d’émotion religieuse[1]. Eh ! bien jugez du contraste entre le premier couplet de la chanson bachique et celui du cantique de noël mis en regard.
Dans ce monde on aime le bruit,
L’éclat fascinant de la gloire ;
On peine, on tâche jour et nuit
Pour graver son nom dans l’histoire.
Mais moi, qui n’aime que le vin,
Un seul bruit frappe mon oreille :
C’est le trin-trin (bis)
De mon verre et de ma bouteille !
Dans le silence de la nuit
Un Sauveur pour nous vient de naître
Quoique dans un sombre réduit,
Vous ne pouvez le méconnaître.
L’Enfant, des enfants le plus beau
Vous appelle avec allégresse :
À son berceau (bis)
Portez les dons de la tendresse.
J’ai donc raison de prétendre, et mes lecteurs conviendront volontiers, en face d’une telle preuve, que mon assertion n’a rien d’exagéré, que les Noëls anciens de la Nouvelle-France, idéals et divins pour nous, n’étaient rien moins d’ascétiques dans l’opinion de nos grands-pères. En effet, si nous connaissions, comme eux le savaient, les paroles des chansons amoureuses et le mot à mot des refrains bachiques sur la musique desquels se chantaient leurs noëls, précisément composés en vue de faire oublier leurs couplets déshonnêtes, notre dévotion comme notre goût en souffriraient énormément. Félicitons-nous d’une telle ignorance : elle sert merveilleusement au charme de l’illusion[2]. Il en est de la poésie, de la musique, de la sculpture, comme de l’art culinaire :
- ↑ Cf. : Ernest Gagnon, Cantiques populaires, etc, pages 22, 23 et 24.
- ↑
Au nombre de ces cantiques, heureusement tombés en
désuétude, il en est où l’amour divin (?) parle un audacieux
langage érotique :
Et cet autre :
Allez, à mon bon ange,
Dire à mon bien-aimé
Que ma peine est étrange
Depuis qu’il m’a charmé !Vos charmants attraits
Comblent mes souhaits
Tout en vous, tout me plaît.
Tout m’enchante !Cf : P. B. Casgrain : Mémorial des familles Casgrain, Baby et Perrault, page 182.