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NOËLS ANCIENS

Ne dansons plus, nous tardons trop
Pensons d’aller, tretous[1] le trot.
— Viens-tu, Margot ?
— Attends, Guillot,
J’ai rompu ma courette ;[2]
Il faut renouer mon sabot.
Or, tiens cette aiguillette,
Elle servira trop.

— Comment, Guillot, ne viens-tu pas ?
— Oui-dà, j’y vais tout l’entrepas ;[3]
Tu n’entends pas
Trop bien mon cas :
J’ai aux talons la mule,
Pourquoi je ne puis pas trotter ;
Je l’ai prise en froidure
En allant estraquer[4]

Marche devant, pauvre mulard,
En t’appuyant sur ton billard[5]
Et toi, Coquart,
Vieux loriquart, (lourdaud)
Tu dois avoir grand’honte
De rechigner ainsi des dents,
Dûsses m’en tenir compte
Au moins devant les gens.

Courûmes de telle raideur
Pour voir notre doux Rédempteur.
Et créateur
Et formateur.
Il avait (Dieu le saiche)
De linceux assez grand besoin.
Il gisait dans la crèche
Sur un bouteau (botte) de foin.

Or, nous avions un grand paquet
De vivres, pour faire un banquet ;
Mais le muguet (galant )
De Jeanne Huguet
Avait sa lévrière,
Qui mit le pot à découvert,
Ce fut la chambrière
Qui laissa l’huis ouvert.

Éclairez-nous, divin flambeau
Parmi les ombres du tombeau
Faites briller
un jour nouveau.
Au plus affreux supplice
Nous auriez-vous abandonnés ?
Venez, Sauveur propice
Venez, venez, venez !

Que nos soupirs soient entendus !
Les biens que nous avons perdus
Ne nous seront-
ils pas rendus ?
Voyez couler nos larmes
Grand Dieu ! si vous nous pardonnez,
Nous n’aurons plus d’alarmes ;
Venez, venez, venez !

Si vous venez en ces bas lieux,
Nous vous verrons, victorieux,
Fermer l’enfer,
ouvrir les cieux.
Nous l’espérons sans cesse :
Les cieux nous furent destinés ;
Tenez votre promesse,
Venez, venez, venez !

Ah ! puissions nous chanter un jour.
Dans votre bienheureuse cour,
Et votre gloire,
et votre amour.
C’est là l’heureux partage.
De ceux que vous prédestinez ;
Donnez-nous en un gage,
Venez, venez, venez !

Pas ne laissâmes de gaudir ;
Je lui donnai une brebis
Au petit Fils ;
Une mauvis (oiseau)
Lui donna Péronnette ;
Margot lui a donné du lait
Tout plein une écuellette
Couverte d’un voilet.


Or, prions tous le Roi des rois
Qu’il nous donne à tous bon Noël,
Et bonne paix ;
De nos méfaits
Ne veuille avoir mémoire.
Ains nos péchés nous pardonner ;
À ceux du Purgatoire
Leurs péchés effacer.

  1. Tretous, c’est-à-dire tous.
  2. Courette, c’est-à-dire petite courroie.
  3. Tout l’entrepas, c’est-à-dire à petit pas.
  4. Estraquer, c’est-à-dire arracher.
  5. Billard : bâton. — Suivant le Supplément au Glossaire du Roman de la Rose billard est celui qui, à cause de sa vieillesse ou de ses infirmités, ne peut marcher sans bâton. Ce bâton recourbé avait le nom de billard.