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NOËLS ANCIENS

comme il convient. « Dans les chants populaires, » écrit M. Ernest Gagnon, « il existe autant de variantes que de gosiers. » Des notes essentielles et caractéristiques de la mélodie, surtout le rythme, voilà ce qu’il faut bien saisir. Que l’on chante la version ancienne de Pellegrin à deux temps (deux-quatre) c’est-à-dire que l’on fasse deux mesures de chaque mesure, en ne changeant rien du reste aux notes de la mélodie, on obtiendra aussitôt un rythme régulier qui se rapprochera beaucoup de celui de la version moderne.

En tout cas, et pour en revenir à la comparaison essentielle dont l’intérêt prime ici, l’air de ce cantique de noël me paraît s’être étonnamment bien conservé. Ce fait extraordinaire déjà à constater pour la mélodie du Ça, bergers, assemblons-nous, l’est encore davantage pour celle du Venez, divin Messie, laquelle est, de beaucoup, plus développée.

À l’Avent de l’an de grâce 1901, le Venez, divin Messie, de Pellegrin aura été chanté pendant deux siècles consécutifs dans toutes les églises de l’ancienne et de la nouvelle France.

Deux fois centenaire ! ô le vénérable noël, l’auguste cantique ! Et cependant, la mélodie qui chante ses strophes religieuses, qui les rajeunit de sa joie, qui les divinise de sa musique immortelle comme l’art, et comme lui belle éternellement, porte deux fois cet âge ! Quatre cents ans ! Oui, cette mélodie a quatre cents ans. Contemporaine de Rabelais, elle gazouille allègrement, avec la vivacité d’un oiseau ivre d’azur et de soleil, les mots de cette langue épaisse du quinzième siècle, qui ne se comprend bien aujourd’hui qu’à l’aide de glossaires formidables[1] dont le seul aspect épouvante.

En effet, le noël populaire, Où s’en vont ces gais bergers, dont la disposition rythmique servit de moule au

  1. Le Dictionnaire Historique de l’Ancien langage françois par La Curne de Ste-Palaye, compte 10 tomes, grand octavo, et 4,747 pages ! Ab uno disce omnes,