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NOËLS ANCIENS

« Nous descendons des vieux Gaulois et des preux de la Germanie ; eh bien ! ces messieurs nos ancêtres ne se gênaient aucunement de piller les nations ; alors pourquoi n’auraient-ils pas enlevé la musique de ces gâteux de Latins, par exemple, qui ne savaient plus comment figurer nulle part ? Nos ancêtres parcouraient le monde pour entretenir la circulation du sang, et, lorsqu’ils apercevaient quelque chose de beau et de bon qui avait été laissé à la traîne, ils l’emportaient, en gens soigneux ! C’est ainsi qu’ils ont tiré de Rome, et d’ailleurs, une quantité d’objets utiles qui nous servent encore aujourd’hui, notamment un fonds de mots qui a constitué la langue française. Ils ont dû voler également la musique des peuples du midi qu’ils avaient, non pas domptés, comme ils s’en vantaient, mais subjugués en passant.

« Je les aime, ces airs tout ainsi ; je les trouve autrement pieux que nos compositions récentes ; ils ont la foi ardente des âges primitifs. Il me semble les entendre à travers les siècles qu’ils ont traversés ; et, en effet, ne sont-ils pas un écho de la voix de nos ancêtres ? Nous les chantons comme on les chantait jadis. Et, qui sait, dans une autre existence, peut-être les avons-nous chantés nous-mêmes, dirait Pythagore.

Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Webre,
Un air ancien, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.

    se perpétue avec une fidélité plus tenace que les chants du berceau. La petite fille qui s’est endormie tant de fois en les écoutant les répète sitôt que, dans ses jeux d’enfant, commence à se révéler sa vocation future aux sollicitudes de la maternité, et, les ayant répétés, elle les trouve tout vivants dans son cœur et sur ses lèvres le jour où elle devient réellement mère. La persistance de ces airs traditionnels ne saurait donc nous surprendre. Ils font, en général, partie d’un fonds musical et poétique tellement commun à toute l’humanité qu’on est à peu près sûr de les rencontrer chez tous les peuples, presque identiques quant aux images bizarres et enfantines qu’ils évoquent, et à l’harmonie essentiellement isochrone, comme la berceuse, qui les constitue. »