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NOËLS ANCIENS

française, car il mériterait l’honneur d’être compté parmi les Cantiques spirituels d’un Pierre Corneille ou d’un Jean Racine.

Quant à sa musique, elle appartient absolument à la tonalité grégorienne. Il suffirait, pour s’en convaincre de l’entendre chanter par les habitants de nos campagnes accoutumés à interpréter le plain-chant. Ces braves gens chantent dans le genre diatonique, sans même soupçonner ce qui caractérise cette tonalité. Phénomène merveilleux que cette inconscience artistique, et qui justifie étonnamment le mot génial de Leibnitz : « la musique est un calcul secret que l’âme fait à son insu ! » Elle possède l’admirable simplicité des hymnes liturgiques. Par une rencontre rare, une occurrence exceptionnellement heureuse, il arrive que la poésie du noël Orléanais partage toutes les qualités de la musique sur laquelle on le chante. Ce qui établit un trait de ressemblance — le seul assurément — avec le solennel Minuit, chrétiens, de nos maîtrises modernes ; car on admet volontiers aujourd’hui que les belles strophes de Marie Cappeau sont dignes de la musique d’Adolphe Adam.[1]

  1. Ce fut le 25 décembre 1858, à l’église St-Jean-Baptiste, à la messe du jour, que Madame François-Xavier Pichette — née Rose de Lima Belleau — chanta pour la première fois à Québec, et très probablement au Canada, le célèbre Noël d’Adolphe Adam. Ce cantique, aujourd’hui fameux, nous avait été apporté de Paris par M. Ernest Gagnon au retour de son premier voyage en Europe. Voici un extrait de la lettre que m’écrivait à ce sujet le distingué musicien :
    Québec, 21 février 1899.
    Cher monsieur Myrand,

    Je viens de consulter les anciennes liasses du « Courrier du Canada », et je constate que le cantique de Noël d’Adolphe Adam a été chanté à l’église St-Jean-Baptiste de Québec, à la messe du jour, le 25 décembre 1858, par madame F.-X. Pichette (née Belleau), avec accompagnement de harpe par madame Sheppard. Je tenais l’orgue. C’était une primeur pour le public de la ville.
    Le Noël d’Adam fut répété le même soir, à l’église de Notre-Dame des Victoires, à la Basse-Ville, où il y eut un salut solennel précédé d’un sermon. M. l’abbé Cyrille Légaré, revenu de Paris l’année précédente, avec