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NOËLS ANCIENS

poser dans sa jeunesse, au début de sa carrière d’homme de lettres. Et ce fut sur la musique facile, gracieuse, fraîche surtout, de la chanson populaire qu’il avait tant de fois entendue chanter dans son enfance, qu’il écrivit (très probablement à l’époque où il enseignait la rhétorique à Narbonne) ce noël demeuré pour nous, Canadiens-français, un chant national d’un effet sympathique irrésistible[1].

Vous l’avouerai-je, lecteurs, j’ai le fétichisme du nom, je subis le prestige de l’étiquette, le magnétisme de l’enseigne ; ses grosses lettres dorées m’en imposent. Comme bien d’autres, et ce n’est pas une excuse, j’ai la naïveté de croire aux grandes affiches et aux grands mots. Béranger, le spirituel chansonnier du second empire, s’est agréablement moqué de cette badauderie ineffable des prétendus connaisseurs quand il écrivit :

Et vous gens de l’art,

Pour que je jouisse,
Quand c’est du Mozart

Que l’on m’avertisse !


Ce fin railleur a mille fois raison. Du moment qu’une mélodie est agréable, originale, charmante à écouter, que nous importe le nom de son auteur ? Ainsi du noël qui nous préoccupe. Seulement, et vous jugerez par là de mon incurable manie, seulement si quelqu’un d’autorisé me convainquait que Dans cette étable n’est pas de Fléchier, celui-là me rendrait très malheureux. Oui, je serais assez sot pour détrôner mon idole. Mais il n’en sera rien, j’en ai la ferme conviction ; je ne sacrifie pas à un faux dieu en vouant un culte au vénérable cantique qui a réjoui ma jeunesse.

    Il écrit avec beaucoup de raison :

    Tous les palais des rois
    N’ont rien de comparable, etc.

  1. Le nom de Fléchier se recommande encore à notre souvenir par l’oraison funèbre de Madame la duchesse d’Aiguillon, fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Québec, qu’il prononça à Paris, chez les Carmélites, à leur couvent de la rue d’Enfer, le 12 août 1675.