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NOËLS ANCIENS

« Une mélodie, dit-il excellemment, une mélodie antique, même si elle se chantait à l’origine sur des paroles profanes, peut souvent recevoir des paroles religieuses sans que le bon goût ait à en souffrir. C’est que l’emploi excessif des dissonances et l’abus des effets rythmiques ont donné un tel cachet d’agitation à notre musique moderne que, grâce au contraste, toute musique ancienne nous paraît aujourd’hui calme et reposante et que l’air d’une joyeuse chanson d’autrefois peut maintenant nous faire l’effet d’un cantique. Si, après cela, on écrit des paroles pieuses sur cette mélodie ancienne, et si l’on chante cette mélodie dans une église, le jour de Noël par exemple, les délicats eux-mêmes ne trouveront peut-être rien à redire, tant il est vrai que, dans l’état actuel de l’art musical, l’archaïsme de la forme favorise l’expression des sentiments religieux. »

Quelqu’un s’étonnera peut-être encore et dira : comment se fait-il que de la musique profane, écrite uniquement pour des mondains et des viveurs, puisse traduire avec une telle vérité d’expression, des sentiments religieux ? À cela je réponds : la musique n’évoque pas des idées, mais des sentiments et des sensations. Or, une même sensation peut être évoquée, à un même degré d’intensité, par des idées ou des situations absolument différentes au point de vue intellectuel, passionnel ou moral. Je choisis, pour exemple, l’idée de la frayeur.

Figurez-vous un homme combattant sur un champ de bataille, au plus fort de la mêlée. Il est facile de concevoir les émotions violentes de son cœur et de son esprit. Placez ce même homme sur un navire, à la merci d’un océan battu par une horrible tempête : ce malheureux éprouvera très probablement, avec une égale force, les émotions qui l’agitaient sur le champ de bataille. La situation, cependant, qui aura provoqué ces mêmes émotions est bien différente.