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NOËLS ANCIENS

mière lecture, la ballade amoureuse l’emportait en supériorité littéraire, et dominait le cantique religieux. Pellegrin avait-il trop présumé de ses forces, confondu, à cause de leur identité d’ardeur, le feu sacré de l’inspiration avec les transports enflammés de son zèle ? Je ne sais. Les ressources de son talent remarquable trahirent en cette circonstance sa bonne volonté. À raison même de cette tentative malheureuse, mais infiniment honorable, nous devrions garder à ce pieux compositeur une reconnaissance profonde, un souvenir ému de gratitude et d’estime. Sa belle action, son humble cantique, nous a valu d’entendre, encore aujourd’hui, les échos de nos sanctuaires chanter la délicieuse mélodie de ce noël du seizième siècle que les cathédrales de France ont oublié. À Paris, la Sainte-Chapelle elle-même ne le reconnaîtrait pas, si Du Caurroy, ressuscité, venait en personne le jouer sous ses voûtes. Pauvre église, déserte et vide, elle lui semblerait plus froide encore que le marbre de son tombeau aux Grands-Augustins. Il n’y retrouverait plus l’orgue de sa maîtrise, disparu avec la stalle qu’il y occupait comme chanoine. Une fois l’an, à la rentrée des tribunaux, la Magistrature y vient, en habits de gala,

    Édouard Fournier est de ce nombre. Dans son ouvrage intitulé L’Esprit dans l’Histoire, petit livre bondé de renseignements curieux et de recherches savantes sur les mots historiques de l’histoire de France, Édouard Fournier écrit ce qui suit, à la page 216 du susdit volume :

    « Je pourrais vous montrer en quelques mots que la chanson de la Belle Gabrielle, n’est pas de Henri IV, ni pour les paroles — dont une partie, le refrain, date de bien avant lui, j’en ai la preuve, (Cf : Bulletin de l’Académie de Bruxelles, tome XI, p. 380) — ni pour l’air encore moins (Cf : Fétis : Curiosités de la musique, 1ière édition, p, 376) puisque, selon le cardinal Du Perron, qui le connaissait bien, Henri IV n’entendait rien ni en la musique, ni en la poésie ; mais c’est une question que je réserve pour le temps où je ferai l’histoire des chansons populaires. »

    Jusqu’à ce que M. Édouard Fournier écrive cette histoire de la chanson populaire et prouve son avancé, il convient, je crois, de regarder Henri IV comme le véritable auteur de cette ballade célèbre.