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NOËLS ANCIENS

interdit dans les églises de son diocèse le chant d’une foule de noëls populaires considérés jusqu’à cette époque comme autant de cantiques religieux.

Il en est un cependant, enveloppé dans la proscription générale, qui ne méritait pas cette disgrâce. Aussi, je ne viens pas plaider ici sa cause, excellente d’ailleurs, solliciter humblement son amnistie, mais réclamer impérieusement justice, réhabiliter la mémoire d’un calomnié, rappeler de l’exil un banni. Jusqu’aujourd’hui il n’avait qu’un droit d’asile dans les trois éditions du bel ouvrage de M. Ernest Gagnon, Chansons populaires du Canada. Il aura maintenant droit de cité parmi les Noëls Anciens de la Nouvelle-France : qu’il y reprenne sa place d’honneur et son rang.

Il est bien connu, encore plus aimé, de nos foyers domestiques ; très en faveur et très en vogue chez toutes les familles canadiennes-françaises de nos campagnes où les petits enfants le gazouillent avec une grâce et une fraîcheur de voix d’oiseaux.

D’où viens-tu, bergère ? est une délicieuse berceuse où la naïveté du dialogue le dispute à la candeur de la mélodie, ce qui lui donne un cachet exceptionnel de tendresse et de suavité.

Aristote marchait devant les sophistes qui niaient le mouvement ; Sophocle, en présence de ses enfants qui voulaient le faire interdire pour démence, récitait Œdipe à Colonne ; D’où viens-tu, bergère ? n’aurait qu’à chanter devant ses juges pour les convaincre de son innocence et de sa beauté, les amener à reconnaître son caractère religieux, à lui restituer son titre.