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ET SES AMIS

Du Lude, qui était fort galant, lui avait donné[1] à l’Arsenal, étant grand maître de l’Artillerie. Elle avait été belle et ne l’avait pas ignoré, » etc.

Et l’illustre diffamateur continue de la sorte sa nécrologie mondaine, écrite sur ce ton léger, avec une désinvolture de style presque joyeuse ; bref, il rédige un fait-divers élégant, rien de plus.

Vous me direz que le cercueil de cette grande dame lui en impose, qu’il sait bien l’ana détestable, mais qu’en véritable gentilhomme qu’il était, Monsieur le Duc feint de l’ignorer, la passe sous silence par générosité sociale, bienséance mondaine, ou, ce qui serait excellent, par un bon mouvement de charité chrétienne. Que vous connaissez mal votre personnage, ami lecteur. Écoutez ce qu’en dit un biographe autorisé et qui me semble avoir percé bien à jour ce méprisable caractère :

« Saint-Simon ne dissimule pas plus ses haines que ses amitiés, et c’est assez pour que nous puissions voir dans chaque circonstance quel degré de foi il mérite. Il cherche moins à nous prévenir contre certains noms qu’a satisfaire l’aversion qu’ils lui inspirent. Les accusations les plus terribles deviennent alors un jeu pour son imagination[2] ; ce que la charité lui défend d’exprimer hau-

  1. Donné, n’est pas le mot exact. L’Arsenal était une propriété de l’État ; il faisait partie des bâtisses affectées au département administré par le grand maître de l’Artillerie. Du Lude ne fit que permettre à Madame de Frontenac d’y prendre un appartement. Rappelons-nous que la Divine y vécut un quart de siècle. À la mort du duc Du Lude (1685), décédé conséquemment 22 ans avant elle, Madame de Frontenac se vit continuer le privilège de résider à l’Arsenal par les successeurs de Du Lude à la position de grand maître de l’Artillerie.
  2. Ce que dit Saint-Simon de la mort de Louvois confirme absolument les assertions de son biographe. Saint-Simon laisse entendre que Louis XIV avait fait empoisonner son ministre. « On sut par l’ouverture (l’autopsie) de son corps qu’il avait été empoisonné, » dit-il. Or, l’autopsie du cadavre de Louvois établit tout le contraire : une congestion pulmonaire, pure et simple. Louvois décéda le 16 juillet 1691, et Saint-Simon commença la rédaction de ses Mémoires en 1694. Saint-Simon connaissait