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FRONTENAC

absolument ou la passent sous silence ; ce qui revient au même, comme expression de leur sentiment sur ce potin calomnieux. Rendons hommage, je ne dirai pas à la sagacité, mais au simple bon sens de ces écrivains, aucun d’eux ne fit à cet odieux racontar l’honneur de le prendre au sérieux, de le considérer même comme une histoire vraisemblable.[1]

Un seul en eût été capable cependant : Saint-Simon. Ce roi des médisants et des calomniateurs historiques, qui s’est tenu, pendant un demi-siècle, patiemment embusqué dans ses Mémoires, à l’affût de tous les scandales, grands ou petits, « de la Ville » ou « de la Cour, » Saint-Simon, dis-je, n’aurait certes pas manqué de tirer au vol ce canard de presse.

L’eût-il oublié, par impossible, au temps même de la mort de Frontenac, que l’occasion du décès de sa veuve, la célèbre Divine, le lui eût sûrement rappelé.

« Mourut aussi[2] — (30 janvier 1707) — « Madame de Frontenac dans un bel appartement que feu le duc

  1. Quelqu’un s’est laissé prendre aux cancans québecquois, et celui-là, j’hésite à le nommer, n’est autre que l’excellent M. Pierre Margry.
    « Lorsque les Canadiens, dit-il, envoyèrent à Madame de Frontenac le cœur de son mari, dans une boîte d’or, elle le leur renvoya, disant qu’elle ne l’avait pas eu pendant sa vie, et qu’elle n’en avait que faire après sa mort. »
    Cf : Pierre Margry, Louis Jolliet, page 73, livraison de janvier 1872 de la Revue Canadienne, où cet ouvrage était reproduit.
    À remarquer, cet amusant crescendo de l’imagination chez les écrivains qui ont rapporté la fausse anecdote historique du cœur de Frontenac refusé par sa veuve. C’est d’abord une boîte de plomb, puis une boîte d’argent, enfin une boîte d’or. Dans leur « candeur naïve » ils croient ajouter à la valeur du potin en renchérissant sur la qualité du coffret.
  2. Saint-Simon avait précédemment raconté la mort de M. de Saint-Hermine, de Madame de Montgon, de La Barre, et du comte de Gramont décédé le même jour que Madame de Frontenac, 30 janvier 1707.
    Madame de Frontenac fut inhumée le lendemain (31 janvier 1707) dans l’église de la paroisse St-Paul, à Paris.