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ET SES AMIS

injurieuses, écrites en marge du manuscrit de cette oraison funèbre à l’abbé La Tour, l’auteur des Mémoires sur la Vie de M. de Laval,[1] Étant connu l’antipathie manifeste de cet écrivain pour tout ce qui, de près ou de loin, se rapportait aux Frontenacs, j’estime que cette opinion autorisée de Jacques Viger peut être partagée en toute sécurité de conscience historique.

Enfin, toujours au propos des Frontenacs morts circule cette absurde et ridicule anecdote du coffret d’argent.

« On avait donc entendu dire qu’à la mort de Monsieur de Frontenac, son cœur, enfermé dans une boîte de plomb, d’aucuns disent dans un coffret d’argent, avait été envoyé à la comtesse sa femme qui l’avait orgueilleusement refusé disant : « qu’elle ne voulait point d’un cœur mort qui, vivant, ne lui avait point appartenu ! »

Toute cette histoire de mère-grand, conte fait à plaisir, serait d’un cocasse achevé, d’un sublime de bêtise rare, n’étaient les paroles malhonnêtes et flétrissantes mises dans la bouche de Madame de Frontenac et qui suffiraient, cette réponse était prouvée, à la perdre de réputation comme à la déshonorer devant l’histoire.

L’anecdote du coffret d’argent ! mais cette injure posthume n’a pas été conservée mais inventée par la tradition. Je crois l’avoir prouvé[2] à la satisfaction des plus difficiles. Ce commérage de clocher — parti du clocher même qui sonna le glas de Frontenac à Québec, le 28 novembre 1698 — n’est pas français d’origine, mais canadien, québecquois seulement. Fabriqué de toutes pièces de ce côté-ci de l’Atlantique, il n’est rapporté dans aucun de ces recueils d’historiettes parisiennes qui pullulaient à cette époque. Chroniqueurs, gazetiers, et mémorialistes français du 17ième ou 18ième siècle l’ignorent

  1. Cf : Parkman, Frontenac and New France under Louis XIV — page 435 édition de 1882 et page 458 édition de 1899.
  2. Cf : Bulletin des Recherches Historiques — livraisons d’avril et de mai, 1902. — « Une calomnie historique. »