naire. Et pourtant, Bienville, mon cœur bat d’espoir, j’ai honte de l’avouer, quand une voile de France m’apparaît à l’horizon. Ne peut-elle pas m’apporter cette femme que je saurais si bien aimer encore ? »[1]
Évidemment, le romancier s’étudie à rendre Frontenac intéressant et sympathique aux dépens de la réputation de son épouse. Ce procédé, d’une courtoisie douteuse, est d’une injustice manifeste. Il est d’autant plus fallacieux qu’il se réclame de l’autorité historique des Mémoires de Mademoiselle de Montpensier. « Nous avons pris, écrivait l’auteur de François de Bienville, le fond de tous les détails qui précèdent dans les Mémoires même de la cousine de Louis XIV, la Grande Mademoiselle. »
Cette autorité historique est des plus contestables pour ce qui a trait, dans ces Mémoires, à Monsieur ou à Madame de Frontenac. Ces mémoires, en effet, se partagent en bons ou mauvais compliments, en caresses ou en grimaces, suivant qu’ils sont antérieurs ou postérieurs à 1657, l’année de la querelle surgie entre la belle Frondeuse et ses maréchales de camp. Le comte n’y est pas moins épargné et Mademoiselle de Montpensier en fait un portrait-charge dont les couleurs excessives doivent fixer le lecteur sur la valeur historique de ce recueil des sympathies et antipathies d’une fort capricieuse et susceptible vieille fille, mariée à quarante-deux ans ! Presque au lendemain de ses noces, son époux, le brutal De Lauzun, fut enfermé pendant dix ans à la Bastille d’où elle le fit sortir en se ruinant de crédit et d’argent. La reconnaissance du prisonnier envers sa libératrice se traduisit par de si indignes traitements que, la vie commune devenant impossible, il fallut définitivement se séparer. L’aigreur de ces Mémoires s’explique par le désenchantement de cette vie.
- ↑ Cf : François de Bienville, première édition, 1870, pages 269 et 270, et pages 399, 400 et 401, de la 2iéme édition — 1883 — Montréal, Beauchemin & Valois.
Lire encore dans cette même édition (1883), les pages 397 et 398 : « De l’autre côté des mers, là-bas, dans ma chère France, vit une femme aussi belle qu’indifférente, » etc.