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ET SES AMIS

« Voilà le père en fureur qui dit : « Je n’ai que cinquante ans, je me remarierai, j’aurai douze enfants ; elle n’aura que le bien de sa mère, 84,000 écus ; je lui ôterai les 200,000 écus qu’elle pouvait espérer de moi. »

« On se rapporta de tout cela au premier président Molé (Mathieu Molé). Sa fille lui écrit (d’abord) qu’elle n’est point mariée. Depuis (ensuite) elle écrivit une lettre qui disait : « J’ai été forcée à parler contre ma conscience, je suis mariée. » Le premier président, averti qu’elle était bien réellement mariée, et que tout ce qu’elle dirait au contraire serait faux, le dit au père. La Grange va à la fille ; elle nie d’avoir dit cela. Il lui fit écrire ce qu’il voulut et le porta au premier président, et le premier président le paya de cette première lettre qui disait que Frontenac était bien en vérité son mari. De colère, le père La Grange se remaria à Madame d’Ablège. »[1]

Toute l’affaire, d’après Des Réaux, se réduirait aux faits suivants :

Dès que La Grange, prenant une dernière fois conseil de sa parente, Madame Bouthillier[2], eut déclaré à sa fille qu’elle eût à choisir : de retourner chez lui ou d’entrer en religion, la belle révoltée, quittant aussitôt la demeure de Madame Bouthillier, revint chez son père, et lui déclara qu’elle optait pour le couvent. Mais avant d’en prendre le chemin, « elle s’en alla marier secrète-

  1. Cf : Historiettes, de Tallemant des Réaux, tome IX, pages 214 et suivantes, édition de 1840. — Montmerqué, éditeur.
  2. Cette Madame Bouthillier ou Le Bouthillier, parente de M. de la Grange, devait être Marie de Bragelonne, femme de Claude Le Bouthillier, en son vivant surintendant des finances et ministre d’État.
    Ce qui me confirme dans cette opinion c’est qu’elle fut la marraine de l’enfant de Frontenac, le petit François-Louis, « né le 7 mai 1651 et baptisé le 13 mai 1655, à St-Sulpice, à l’âge de cinq ans et six jours. » — Le parrain fut messire François d’Épinay, marquis de St-Luc, beau-frère de Frontenac.
    Cf : Jal, Dictionnaire de Biographie et d’Histoire, page 622.