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s’attache à l’élite intellectuelle, et chez nos voisins comme sur le continent européen, la renaissance du français est un brevet de distinction. Aussi j’envisage l’avenir avec sérénité, à la lumière de l’histoire. Quand le latin devint la langue universelle, sous les Césars, une autre langue continuait à être parlée et à être écrite par les lettrés, les philosophes, par tous les dilettanti de raffinement intellectuel, partout, même au cœur de l’empire, dans la ville aux sept collines, et le roi du Forum, Cicéron, dans la pleine maturité de son talent, passait deux ans à Athènes pour se perfectionner dans la connaissance de cette langue immortelle et quasi divine. Ainsi pour le français.

« Ce ne sera pas la langue du nombre, des foules, mais la langue de l’élite, des cours, de la diplomatie, des académies, des congrès, des sociétés savantes ; et cette traînée de lumière sur l’avenir, cette anticipation glorieuse nourrit mon patriotisme des plus fermes espoirs. Mais ce sont là des arguments pour l’esprit. En faut-il pour le cœur ? En faut-il pour rappeler les douces émotions de l’enfance, les premiers bégaiements sur les genoux maternels ? Pour vous et pour moi, c’est la langue qui réveille, à travers les âges de la vie, toute une riche moisson, « tout ce qui est resté des âmes envolées, fruits de l’activité et du labeur, fleurs du rêve, de la souffrance et des affections saintes. »[1]

Je le répète, l’applaudissement que provoquèrent de telles paroles dure encore.

Mais chez vous les belles actions précèdent les belles paroles. Bien agir et bien parler, n’est-ce pas réaliser à la perfection la définition classique de l’orateur : vir bonus dicendi peritus ?

Songeant à cette Alma mater qui nous a fait ce que nous sommes, vous vous demandiez, avec l’anxiété d’un cœur reconnaissant, ce que vous pourriez bien offrir à

  1. Cf : Edmond De Nevers : L’Avenir du Peuple Canadien-Français, page 126. — Henri Jouve, éditeur. Paris 1896