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FRONTENAC ET SES AMIS

lait rien moins qu’épouser Louis XIV. C’est dire que cette passion, chez Anne de la Grange, était portée à son extrême limite. Elle avait en plus le culte de l’extraordinaire et de l’éclatant. Rien ne valait à ses yeux une belle aventure. Il lui en fallait une à tout prix, avec émotions rares ! Elle fut servie à souhait !

Que pouvait-elle, en effet, rêver de mieux que la plaisanterie armée de la Fronde ? Ce fut une marche triomphale, ininterrompue, pendant quatre mois, de Paris à Orléans et d’Orléans à Paris. Il y eut bien la culbute inévitable au bout du fossé, le 2 juillet 1652, au combat de la porte Saint-Antoine ! Mais quel bon temps tout de même avant le krach final !

Le 25 mars 1652, la duchesse de Montpensier, en appareil de campagne, suivie d’un état-major emplumé où s’apercevaient plusieurs jolies femmes — de ce nombre Madame de Frontenac — se rendit au palais de son père, Gaston d’Orléans, pour lui faire ses adieux. Elle partait pour Orléans menacée à la fois par les troupes de Mazarin et de Condé. « L’appartement, disent les chroniqueurs, était bondé de curieux, les uns applaudissant, les autres haussant les épaules de pitié en présence de ce qu’ils considéraient comme une mascarade. » » La Grande Mademoiselle, raconte le Journal de Dubuisson-Aubenay, en habit gris tout couvert d’or, monta en voiture et fut acclamée jusqu’à sa sortie de Paris. »

Le lendemain, elle rencontra l’escorte que lui envoyaient les généraux frondeurs. Elle fut reçue en chef d’armée. « Les troupes étaient en bataille, écrit-elle dans ses Mémoires, et me saluèrent. » Elle monta à cheval et prit aussitôt le commandement, à la plus grande joie des soldats.

Puis a lieu l’entrée triomphale à Orléans. Toutefois le comique, j’allais écrire le ridicule, gâte quelque peu la solennité du spectacle, qui tourne très vite au burlesque. Des bateliers portent la duchesse — généralissime en belle bergère. « Deux hommes me prirent et