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FRONTENAC

Plaie d’argent n’est pas mortelle, dit un proverbe. Il se peut que l’anxiome ait raison. C’est un mal fort ennuyeux tout de même, le traitement en est long, et Madame de Frontenac me paraît en avoir souffert toute sa vie. Récemment encore, en consultant le Supplément français du Rapport du Dr Brymner sur les Archives Canadiennes, je lisais avec ravissement que Louis XIV, par une décision de son Conseil d’État, en date du 3 octobre 1703, avait fait don à la veuve de Frontenac de la somme de 6,000 livres, « pour reconnaître les bons services de son mari, » et que Sa Majesté avait chargé sa colonie du Canada de les lui payer. Seulement, mon admiration pour la magnificence du Grand Roi baissa considérablement quand, en poursuivant ma lecture, je constatai que cette largesse apparente n’était qu’un remboursement mesquin. Ces 6,000 livres ne représentaient que le reliquat d’une créance de 13,623 livres — moins les intérêts accrus ou plutôt perdus sur cette somme depuis 1681 — argent prêté par Frontenac, cette année-là, au sieur Cavelier de la Salle pour lui aider à construire le fort Cataracouy — argent que de la Salle, fâcheusement, avait oublié de rendre à son propriétaire.[1]

De ce petit fait, survenu quatre années seulement avant la mort de Madame de Frontenac, on peut conclure sans trop hasarder que l’aurea mediocritas dont jouissait Anne de la Grange confinait plutôt à la gêne qu’à l’ai-

    Plus haut, dans la même page (336) il dit encore : « Son mari (Frontenac) qui, comme elle, avait peu de biens, et comme elle aussi beaucoup d’esprit et de bonne compagnie. » etc.
    Dans les annotations des Lettres de Madame de Sévigné (année 1671, tome 2, page 185, note 3, — édition Régnier) je lis : « Anne du Blé, belle-sœur de la marquise d’Uxelles (tante de Frontenac) épousa, en 1646, Henri de Beringhen. » Cet Henri de Beringhen devait être le père de celui que Madame de Frontenac institua son héritier.

  1. Supplément du Rapport du Dr Brymner sur les Archives Canadiennes, par M. Edmond Richard, 1899. — Ottawa, 1901. Cf : dans l’ordre suivant : page 72 — à la date du 31 octobre 1680, — page 39, à la date du 11 août 1681, — page 337, à la date du 5 juin 1700, et page 102 à la date du 9 octobre 1703.