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ET SES AMIS

Il (Louis XIV) me donne les plus belles espérances. Mais je suis trop vieille pour y compter. Si Madame de Montespan était…

« Il y a longtemps que, dit-elle, elle ne s’est pas laissée aller à cette faiblesse : » ce n’est pourtant point ici (à la Cour ?) qu’on peut se faire une âme forte. Je le (Louis XIV) renvoie toujours affligé et jamais désespéré.




Encore une fois, je le demande an bon sens de mon lecteur, et j’en appelle à la seule honnêteté de son jugement, Madame de Maintenon, au moment le plus critique de son existence, aurait-elle choisi pour confidente, que dis-je, pour directeur spirituel de sa conduite, une femme légère de caractère et de mœurs ?

Tout commentaire me paraît superflu.

Une dernière preuve — preuve morale celle-là — établit encore, chez Madame de Frontenac, l’honnêteté de sa vie : sa pauvreté.

Personne, que je sache, n’a soutenu que la Divine aimait l’argent ou qu’elle thésaurisait. Cette femme, admirablement belle, et qui, aux séductions du visage ajoutait les grâces, encore plus irrésistibles, de son esprit, n’aurait eu qu’à sourire pour devenir riche.

Et cependant Madame de Frontenac vécut et mourut pauvre. « Elle légua le peu de biens qu’elle avait, écrit Dangeau, dans son Journal, à Monsieur le Premier. »[1]

Saint-Simon, qui ne lui est pas précisément sympathique, comme on sait, dit à son tour « qu’elle avait peu de biens, que, par amitié, elle laissa à Beringhen, premier écuyer. »[2]

  1. Monsieur le Premier ! Cette singulière et énigmatique expression ne veut pas dire : Monsieur le premier ministre ! Le sens en est beaucoup plus modeste. Elle signifie : Monsieur le premier écuyer de la petite écurie de la maison du Roi.
  2. Cf : Mémoires de Saint-Simon, année 1707, tome 5, p. 336, édition Hachette — Paris, 1856.