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ET SES AMIS

et vulgaires, aussi malpropres que l’argent qui les paie. Les pires malignités de la chronique de l’époque n’attentèrent jamais à sa réputation.

Que Madame de Frontenac fût une grande mondaine, l’événement en est sûr ; elle se fût plutôt passé de pain que d’encens. Mais que cette mondaine fût une femme galante, l’énoncé en est aussi absolument calomnieux. La mondaine, sans doute, prit peut-être trop plaisir aux honneurs, aux louanges, aux flatteries, et se fit de tout cela une grande habitude d’où elle ne put jamais sortir. Cette grande habitude lui en fit contracter une autre, et très heureusement pour elle : ce fut l’accoutumance de pouvoir regarder au plus bas de certains abîmes sans en éprouver de vertige. Ce cœur féminin — Madame de Sévigné en fut un autre — y semblait inaccessible. Elle résista sans contrainte apparente, à l’entraînement fascinateur de l’une des Cours les plus raffinées de l’Europe, et n’y vécut jamais[1]. Les séducteurs et les lovelaces en sont, avec elle, pour leur frais d’artifices ; témoin cet audacieux libertin, Charles IV, duc de Lorraine, venu à Paris pour appuyer la cause des Frondeurs, et qui s’éprit d’une folle passion pour la Divine. Elle l’écrasa de son mépris. Exaspéré par cet échec, le Don Juan, qui se croyait irrésistible, quitta

  1. « Madame de Sévigné n’était pas « de la Cour », elle ne fut jamais que « de la Ville, » qui s’était toujours mieux défendue que « la Cour » contre le libertinage d’esprit, c’est-à-dire l’impiété religieuse. « La Ville, » au sent parisien de ce mot, tel qu’usité dans la première moitié du 17ième siècle, « la Ville » comprenait, avec la bourgeoisie haute et moyenne une certaine quantité de noblesse d’excellente souche qui s’abstenait d’aller « à la Cour » parce qu’elle n’y aurait pas eu — faute d’une charge ou d’un titre — le rang auquel sa qualité lui donnait droit. »
    Cette observation de l’écrivain russe Arvède Barine sur Madame de Sévigné s’applique exactement a Madame de Frontenac.
    Cf : Arvède Barine, La Jeunesse de la Grande Mademoiselle, pages 226 et 227.