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FRONTENAC

dans l’élite. Pareille méprise ne vous semble-t-elle pas aussi inévitable qu’invincible ?

À ceux-là qui m’ont suivi dans le développement de ce commentaire grammatical, je désire faire bien remarquer, et surtout retenir, qu’au 17ième siècle les mots galant, honnête et poli sont synonymes.

Nous connaissons la valeur et le sens du mot galant par Vaugelas, écoutons maintenant ce que dit Sarcey du mot honnête, l’un des plus dangereux de la langue française au point de vue de son interprétation appliquée, dans la vie, à la réputation des gens, et plus tard, dans l’histoire, au jugement définitif prononcé sur leur mémoire :

« L’honnête homme, fut, au 17ième siècle, ce qu’était au moyen-âge, le prud’homme. De nos jours, on donne ce nom à tout homme qui n’a pas été repris de justice. On n’a d’autre code moral que le code criminel. Un homme est-il en règle avec le code, c’est un honnête homme. Il est assez indifférent qu’il ait volé, pourvu qu’il ait volé légalement. Rien n’est plus simple, comme on voit.

« Au 17ième siècle, la signification du mot est plus élevée, plus large aussi et plus complexe. La première condition, pour être appelé ainsi, « c’était d’avoir de la naissance, ou, du moins, de vivre sur un pied d’égalité avec ceux qui en avaient. » Il fallait encore posséder une certaine instruction générale, qui mît en état de parler sur tous les sujets, sans en approfondir aucun, de peur d’ennuyer son monde et de tomber dans le pédantisme ; il fallait une certaine grâce légère d’esprit et de conversation, des manières aisées, également éloignées de la hauteur qui repousse et de la familiarité d’où venait le mépris ; une attention exacte et sans apprêt à observer toutes les convenances ; en un mot, l’usage du monde, et du plus grand monde. L’honnête homme était un composé délicat et charmant des qualités les plus propres à rendre aimable le commerce de la vie entre gens de condition. »[1]

Ninon de Lenclos disait : « Mon Dieu, je ne demande pas que vous fassiez de moi une honnête femme, mais seulement un honnête homme ! »

  1. Cf : A. Dubrulle, Explications des textes français, pages 99 et 100.