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FRONTENAC

et galante, extrêmement du grand monde, et du plus recherché. »[1]

Rappelons-nous que Madame de Frontenac était la fille d’un maistre de comptes, c’est-à-dire d’un teneur de livres, style moderne. De là le beau mépris de Monsieur le Duc à l’égard de cette femme qui n’avait pas de naissance ! mais qui n’en vécut pas moins, adulée, encensée, divinisée par la plus fière noblesse de l’Europe : l’aristocratie française. Saint-Simon affichait d’ailleurs le même dédain pour la famille Frontenac. « Il fallait, dit-il, qu’elle ne fût pas grand’chose. » Et devinez pourquoi ? — Je vous le donne en mille. — Parce qu’elle comptait un ancêtre qui avait été huissier de l’Ordre du Saint-Esprit !

Saint-Simon, plus que personne au monde, croyait au proverbe allemand : l’homme commence seulement au baron !

« Nous sortons de Charlemagne ! » écrit-il, dans ses Mémoires.

Or cette opinion ne repose que sur une petite phrase écrite par un inconnu au revers de la première feuille d’un cartulaire de Philippe-Auguste. « C’est un fondement bien léger pour des prétentions si hautes, » répond M. Gaston Boissier, dans sa belle étude sur Saint-Simon.

Et le spirituel académicien français nous fait malicieusement remarquer que le père de Saint-Simon, favori de Louis XIII, ne fut créé duc que pour avoir enseigné au jeune roi : « à changer de cheval sans mettre pied à terre » lorsqu’il allait à la chasse. — C’était un docteur ès sport !

Mais revenons au Saint-Simon mémorialiste et à sa phrase incriminante.

J’admets, qu’à première lecture, on y pourrait constater une perfide équivoque, laquelle, cependant, disparaît aussitôt dès qu’on en étudie la construction grammaticale.

  1. Cf : Mémoires, tome 6, page 169, édition Régnier.